Réseaux sociaux en ligne en Syrie
La Syrie fut l’un derniers pays dans le Moyen-Orient à introduire Internet.
Le 24 février 1996, le ‘’Syrian Telecommunication Establishment’’ (STE) a reçu la permission du bureau du premier ministre de procéder et d’agir à titre de responsable pour le code supérieur de domaine national (sy). Deux semaines plus tard, STE signait un accord avec la ‘’Syrian Computer Society’’ (SCS), dirigée par le futur président du pays, Al-Asad Bashar, pour connecter les institutions gouvernementales à Internet afin d’effectuer une première évaluation. Grâce aux avantages suivants il fut décidé d’aller plus loin :
1. Internet s’est avéré être une riche source d’informations et de services accessible aux étudiants et aux chercheurs;
2. c’était un lieu de rendez-vous important pour la publicité commerciale et le commerce;
3. les institutions syriennes pouvaient utiliser Internet pour promouvoir l’héritage culturel, archéologique et historique de la Syrie et ainsi faire croître l’industrie du tourisme;
4. les positions et les droits de la Syrie concernant les questions politiques essentielles pouvaient être abordées, démentant ainsi ‘’les positions erronées, mensonges et visions déformées de la Syrie qui apparaissent sur les sites Internet soutenus par le sionisme international.’’ [1]
Dix-huit mois plus tard, le 17 novembre 1997, la Syrie a commence à connecter 150 organismes gouvernementaux sélectionnés à Internet. Au début de 1999, l’accessibilité fut étendue à un public plus vaste, y incluant les capacités courriel, surfing et transfert de fichiers (FTP) à l’intérieur même du pays.
Dans son approche d’Internet, le régime syrien, comme d’autres gouvernements dans la région, cherche à démentir les critiques à son sujet largement disponibles en ligne, tout en s’assurant que l’innovation technologique au sein du pays soit traitée avec grand soin afin d’éliminer l’infiltration culturelle et politique non désirée et ainsi maintenir un contrôle serré sur la population. Par conséquent, les autorités ont accepté de rendre l’Internet accessible seulement après avoir la certitude d’être en mesure de contrôler et de surveiller son contenu. S’ajoutaient aux limitations sur les Syriens, les coûts élevés liés à l’achat d’un ordinateur et à la connexion à Internet, ainsi que l’infrastructure déficiente des communications du pays. Pour être certain, l’utilisation de l’Internet a augmenté depuis le début de la décennie par rien de moins que 12,000(!)%, en partie parce que ses coûts ont été réduits et en partie en raison du fort désir pour y accéder parmi la population relativement instruite de la Syrie. Toutefois, le régime a clairement indiqué que le contrôle de l’accès demeurera en vigueur et que quelques sites resteraient bloqués, en conformité avec ‘’les traditions et habitudes du pays’’. [2]
Par conséquent, seulement 16.4% de la population utilise actuellement l’Internet. De plus, les restrictions qui leur sont imposées par les autorités rendent la Syrie, selon les mots de ‘’Journalistes sans frontières’’, ennemie de l’Internet. [3] Les autorités syriennes bloquent les sites Internet comportant des documents traitant des droits de l’homme, de la liberté de parole, des organisations d’opposition à la Syrie et le la minorité Kurde en Syrie au même titre que les sites pornographiques et israéliens. Au cours des dernières années, ils ont également commencé à bloquer les sites de réseaux sociaux internationaux en raison de leur popularité considérable dans le pays. En 2007, la Syrie fut même nommée ‘’la plus grande prison dans le Moyen-Orient’’ pour les utilisateurs d’Internet et les bloggeurs [4] (et l’un des pires 10 pays pour être bloggeur en 2009). [5] En effet, les bloggeurs reçoivent souvent de longues peines de prison et sont traqués par les autorités de plusieurs façons pour leurs activités.
À l’opposé, il y a des entreprises d’Internet occidentales qui empêchent l’accès aux citoyens syriens à certains de leurs services. Par exemple, en avril 2009, le réseau social de l’entreprise ‘LinkedIn’ a bloqué l’accès en provenance de la Syrie, mais ont rapidement fait marche arrière en raison des protestations des usagers qui ont été exprimées sur, entre autres, Twitter. LinkedIn a expliqué son action initiale comme étant une erreur humaine. Mais les entreprises d’Internet telles que ‘’Google’’ et ‘’Sun’’ empêchent régulièrement les usagers syriens d’utiliser certains de leurs services, conformément aux restrictions gouvernementales des États-Unis sur l’approvisionnement des biens et services au pays.
Malgré ces limitations, l’arrivée d’Internet et la propagation des sites de réseaux sociaux en Syrie ont créé un outil important pour la diffusion de l’information à l’intérieur du pays et au-delà. Les usagers ont souvent trouvé des moyens de passer outre les restrictions des autorités limitant la liberté d’expression et ont organisé des activités à travers la formation de groupes de pression en ligne qui adressent les enjeux sociaux et économiques affectant le pays. Le réseau social ‘Facebook’, qui opère dans une multitude de langues incluant bien entendu l’arabe est particulièrement populaire en Syrie.
La récente campagne du gouvernement syrien contre ‘Facebook’ et l’appel au boycott ont propulsé la problématique des réseaux sociaux sur la place publique. Cette problématique a pris naissance suite à la décision de la direction de ‘Facebook’ de considérer le Plateau du Golan comme faisant partie d’Israël, considérant les habitants de cette région comme étant des résidents d’Israël et non pas comme résidents de la Syrie, comme c’était fait avant. On a même signalé que la Syrie bloquerait complètement le site. En fait, l’accès avait déjà été entravé pendant deux années, directement et par l’intermédiaire de sites proxy qui permettent d’utiliser ‘Facebook’ de façon anonyme. [6]
Les restrictions sur les sites de réseaux sociaux étaient désignées pour tenter d’empêcher les utilisateurs d’Internet de maintenir le contact entre eux, tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur. En effet, il convient de noter que des connexions en ligne ont été établies entre des résidents israéliens et syriens en passant par les sites proxy de Facebook. Facebook inclut des centaines de groupes reliés à la Syrie, dont les participants, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, se chiffrent de quelques un à des milliers. Ils couvrent une gamme de sujets : tourisme, affaires, technologie, art et musique, sports et vie étudiante. Ces sites permettent aussi aux utilisateurs d’organiser des protestations en ligne, parfois avec un résultat considérable. Par exemple, le viol d’une adolescente a provoqué un débat public concernant l’exploitation sexuelle des enfants grâce à une campagne en ligne impliquant des milliers de personnes. Une campagne en ligne contre un projet de loi traitant de sujets personnels semble avoir influencé la décision du gouvernement d’abandonner la réglementation proposée. D’autres batailles en ligne incluent une demande de levée de toutes les restrictions en ligne pour laquelle un appel personnel a même été fait au président de la Syrie, Bashar Al-Asad; de même qu’un appel à tous les bloggeurs pour boycotter les fournisseurs de téléphones cellulaires en raison de leur tarification, de la qualité et du service. De plus, les utilisateurs Facebook de la Syrie se sont regroupés au nom des bloggeurs locaux qui ont été emprisonnés en raison de leurs activités.
YouTube est aussi utilisé par les Syriens pour promouvoir des causes opposées à la politique officielle. Par exemple, des vidéos documentant la répression de la minorité Kurde de la Syrie ont été téléchargées sur le site. En réponse, il est rapporté qu’en Août 2007 le site a été bloqué par les autorités parce qu’il contenait une vidéo montrant la robe de la femme du président qui battait au vent durant une cérémonie d’état. De façon similaire, en Mai 2008, le site en langue Wikipedia a été bloqué par tous les fournisseurs de service au pays, sans explication, mais en février 2009 la restriction a été levée, un geste sans précédent.
Les réseaux sociaux en ligne de la Syrie servent d’outil pour organiser des groupes de pression, ce qui, dans la vie de tous les jours, serait simplement impossible à faire en raison de la surveillance et la répression sévère. Ces réseaux fournissent une preuve tangible de la puissance d’Internet, non seulement comme outil de transmission de l’information à l’intérieur d’un environnement politique extrêmement restrictif, mais aussi pour créer une base d’échanges sociaux dans ces pays. Ainsi, ils constituent un défi direct aux régimes hautement centralisés et autoritaires comme celui de la Syrie. Ce défi ne peut que grandir dans les années à venir car Internet va inévitablement se répandre dans le pays.
[1] Dr. Hasna Askhita, “L’internet en Syrie,”, Assad National Library, Damascus.
Paper delivered at the International Federation of Library Associations &
Institutions meeting, “Réseaux pour le développement des Bibliothèques dans les Etats Arabes.” Beirut, 2-4 March 2000.
http://nmit.wordpress.com/2008/09/06/linternet-en-syrie/#more-11
[2] SyriaLive.net, “Syrian Internet Installation and Subscription Rates to be Scrapped,” Computer and Internet – 2002, 5 March 2002.
[4] Reporters Without Borders, “Syria,” 1 February 2007.
http://www.rsf.org/Syria,20777.html
[5] Committee to Protect Journalists, “10 Worst Countries to be a Blogger,” 30 April 2009.
http://cpj.org/reports/2009/04/10-worst-countries-to-be-a-blogger.php
[6] http://www.gotofacebook.co.za, http://facebookoxy.com
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